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L'Art de jouir

Frise bouchère

« Plaisir, Maître souverain des hommes & des dieux devant qui tout disparaît, jusqu'à la raison même, tu sais combien mon cœur t'adore, & tous les sacrifices qu'il t'a faits. »

Cette profession de foi sans détours ni faux-fuyants résume ce que fut la vie de La Mettrie, celle d'un esprit libre & sans préjugés contre lequel les zélateurs de l'ordre établi s'acharnèrent. Comme d'autres avant lui, comme beaucoup après, il dut, plus d'une fois, fuir précipitamment, passer clandestinement des frontières. La liberté d'esprit a un prix ; pour éviter la Bastille, il n'y avait que les chemins de l'exil.

Crispin du Passe.  © Éditions du Boucher L'Art de jouir ! Les bien-pensants ne craignent-ils pas déjà le pire, le titre provocateur ne peut qu'annoncer la licence, peut-être l'obscénité voire la pornographie. Ultime provocation, il n'en est rien.

L'obscénité pour ce lettré est un exercice trop facile, alors il préfère composer un genre de mièvrerie qui chante l'amour & ses voluptés. Pas de plaisir sans sentiment, pas de plaisir sans attente, n'est-il pas tout le contraire d'un soudard ? Voilà de quoi rassurer, ou peut-être décevoir, les plus effarouchés.

Que les mots sont choisis pour décrire ces deux enfants de sexe différent, élevés ensemble. Ils grandissent & peu à peu, émerveillés, ils font la découverte de leur différence. Et ce pauvre Isménias dévoré d'amour, mais qui réfrène sa passion afin de ne pas troubler la belle Ismène, n'est-il pas touchant & attendrissant ? Quand « la chose » se produit, bienfait de l'attente, la nuit d'amour est une explosion de joie & de bonheur. La jouissance est affaire de rythme, choisir le moment, prendre son temps & la volupté repousse ses limites jusqu'à l'inconnu.

L'Art de jouir ne serait-il qu'un hymne aux sentiments les plus nobles ? On croyait La Mettrie plus hardi & l'époque plus leste. Crispin du Passe.  © Éditions du Boucher

Cherche-t-il à déconcerter ses détracteurs, à agacer les dévots qui, à l'abri des regards, auraient pu éprouver quelques frissons à la lecture du texte honni ? Qu'ils se rassurent, ils trouveront ce qu'ils cherchent. Les allusions s'affinent, se précisent, l'érotisme apparaît par touches successives.

Quelle belle leçon prodigue La Mettrie à ses lecteurs qui voudraient réveiller tendrement une amante endormie : elle ouvrira doucement les yeux après avoir reçu mille caresses répétées ; suivez ses conseils & vous arriverez, si ce n'est déjà fait, comme lui à la conclusion que « si les plaisirs du soir sont plus vifs, ceux du matin sont plus doux ».

Tous les goûts étant dans la nature, il nous instruit aussi de tout ce qui peut éveiller les sens ; ainsi l'émoi ressenti à la vision des ébats amoureux d'autrui, ou encore des formes de l'amour qui ne prennent pas toujours le chemin emprunté par le plus grand nombre & qui restent selon les époques plus ou moins tapies dans l'ombre. Mais que tout ceci est dit avec un tact polisson ! Il joue avec les mots & parcourt, avec ravissement, les « vallées heureuses », foule le « gazon touffu » & ose s'engager dans des « bosquets inaccessibles ». « L'amour [...] fera couler de ma plume la tendresse & la volupté », comment, à cet instant, ne pas penser à Gainsbourg décrivant le plaisir d'Annie quand elle déguste ses sucettes à l'anis ?

Crispin du Passe.  © Éditions du Boucher Bon buveur, bon mangeur, amateur de tous les bienfaits offerts par la nature, il est mort au sortir de la table. Il aurait certainement pu mourir au lit en galante compagnie ; non pas en débauché mais tout simplement en épicurien.

Nous sommes en 1751, il est en exil, protégé par une cour accueillante, il vient de terminer Le Petit Homme à la longue queue. Ses détracteurs vont pouvoir souffler, ironiser sur sa fin, mais pourront-ils encore longtemps rester à l'abri de leurs murailles ?

La réponse ne tardera pas. Dans l'Art de jouir, il proclame : « L'homme a été fait pour être heureux dans tous les états de la vie. » La leçon sera retenue. Quatre décennies plus tard la revendication du droit au bonheur entraînera un séisme politique d'une ampleur sans précédent.

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Repères

1709

Naissance le 25 décembre du médecin-philosophe malouin

1733

La Mettrie est reçu docteur en médecine

1737

La Mettrie publie sa première œuvre originale, Traité du vertige, avec la description d'une catalepsie hystérique

1740

Frédéric II, roi de Prusse

1744

Médecin des Gardes-Françaises lors du siège à Fribourg

Contracte la fièvre jaune

1745-1746

Condamnation par le Parlement de l'Histoire naturelle de l'âme publiée à La Haye sous le titre le Traité de l'âme

Début de l'exil aux Pays-Bas, puis en Prusse où il exerce les fonctions de médecin & lecteur auprès de Frédéric II

« Je m'applaudis beaucoup de l'acquisition que j'ai faite de La Mettrie. Il a toute la gaieté & tout l'esprit qu'on peut avoir. Il est ennemi des médecins & bon médecin. Il est matérialiste, mais point du tout matériel. »

1748

L'Homme-Machine

1750-1751

Parutions du Discours sur le bonheur, de L'Art de jouir & de Le Petit Homme à la longue queue

Victime d'une intoxication alimentaire, La Mettrie décède le 11 novembre 1751 après trois jours de grandes souffrances

« Trembler aux approches de la mort, c'est ressembler aux enfants qui ont peur des spectres & des esprits. Le pâle fantôme peut frapper à ma porte quand il voudra, je n'en serai pas épouvanté. Le philosophe seul est brave où la plupart des braves ne le sont pas. »

 

Fiche technique

Nombre de signes

72 000

Folio

34 pages

Temps d'impression

6 minutes

Taille du fichier PDF

290 Ko

ISBN - Prix

2-84824-017-2
Gratuit


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