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Cesare Beccaria

Frise bouchère

Cesare Beccaria jouit, en 1766, d'une notoriété certaine auprès de l'élite intellectuelle européenne. Deux ans auparavant, ce jeune Milanais réussissait dans son traité Dei Delitti e delle pene (« Des délits & des peines ») à synthétiser les critiques (parfois anciennes) dirigées contre un système pénal périmé & proposait en quelques pages un nouvel ordre juridique en rupture avec la tradition médiévale.

La critique de Beccaria, centrée sur les aspects de la procédure criminelle devenus les plus étrangers à la mentalité du XVIIIe siècle, frappe d'autant plus juste qu'elle suscite l'émotion du public.

Sont ainsi dénoncés le recours à la torture comme moyen d'instruction, la cruauté disproportionnée des chātiments à commencer par la peine capitale, l'arbitraire des juges dans la détermination des peines, l'inégalité de traitement des condamnés selon leur rang social, etc.

© Éditions du Boucher

Ces critiques ne sont pas neuves - dans les Caractères, La Bruyère définissait déjà la question comme « une invention merveilleuse & tout à fait sūre pour perdre un innocent qui a la complexion faible & sauver un coupable qui est né robuste » -, mais elles prennent ici plus de poids car Beccaria se réclame d'une logique radicalement nouvelle.

En effet, la rupture opérée par Beccaria consiste en une laïcisation du droit pénal qu'il revendique dès son introduction : le droit de punir doit être envisagé abstraction faite de toute considération religieuse ou morale, & ne peut se fonder que sur la seule utilité sociale.

De ces prémisses découlent un certain nombre de principes que reprendront vingt-cinq ans plus tard les rédacteurs de la Déclaration des droits de l'homme & du citoyen : « La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société » (art. 5) ; « Nul ne peut être arrêté, accusé ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, & selon les formes qu'elle a prescrites » (art. 7) ; « La loi ne doit établir que des peines strictement & évidemment nécessaires, & nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie & promulguée antérieurement au délit, & légalement appliquée » (art. 8) ; « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il soit déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne sera pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. » (art. 9)

© Éditions du Boucher

Ce sont les principes mêmes qui constituent les fondements théoriques du droit pénal moderne.

Beccaria n'est cependant pas toujours un visionnaire inspiré. Des délits & des peines est l'œuvre d'un homme encore jeune & dépourvu d'expérience en matière judiciaire, non exempt d'une certaine rigidité intellectuelle.

Tout à son acharnement à dénoncer l'arbitraire judiciaire, il préconise la mise en œuvre d'un système de peines fixes, ne laissant aucune marge d'appréciation au juge & garantissant une stricte égalité entre les condamnés, ainsi que l'abolition du droit de grāce, autre manifestation de l'arbitraire.

En France, ces préconisations furent intégralement reprises par les Constituants de 1789, pour être abandonnées dès le début du Consulat car elles s'étaient vite avérées impraticables. Il fallut cependant attendre la loi du 28 avril 1832 pour que l'application des circonstances atténuantes soit généralisée à l'ensemble des infractions prévues par le Code pénal, inaugurant ainsi une tendance ininterrompue à l'individualisation des peines.

Le postulat de l'utilité sociale, fondement unique du droit de punir, ne semble pas non plus inciter Beccaria à se préoccuper outre mesure de la réhabilitation des condamnés. Certains passages pourraient même laisser croire qu'il attribue encore à la peine une fonction de dissuasion (justifiant le maintien de peines corporelles autres que la peine de mort, mais sans préciser lesquelles) plus que de rééducation du condamné.

Il est facile de juger les insuffisances d'une œuvre avec le recul du temps. En 1764, Beccaria était en avance sur son siècle : ainsi que le lui écrivait Voltaire le 30 mai 1768, « les juges du chevalier de La Barre (...) ont puni d'une mort épouvantable, précédée de la torture, ce qui ne méritait que six mois de prison. Ils ont commis un crime juridique ».

Dénoncer de tels crimes & proposer des réformes qui empêchent qu'ils ne se reproduisent, tel est le combat que menèrent, chacun à leur manière, Beccaria & Voltaire. C'était pour l'époque un objectif ambitieux.

© Éditions du Boucher

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Repères

1738

Naissance à Milan du marquis de Beccaria

1758

Beccaria est reçu docteur en droit à l'Université de Pavie

1764

Publication à Livourne Dei Delitti e elle pene (« Des délits & des peines »)

1766

Voltaire adresse au marquis de Beccaria sa Relation de la mort du chevalier de La Barre

Dei Delitti e elle pene est traduit par l'abbé Morellet sur l'invitation de Malesherbes. Le texte original est profondément remanié

Large diffusion & succès du titre auprès des Encyclopédistes.
Voyage à Paris

1775

Parution de State of the Prisons de John Howard

1789

Beccaria est nommé chef du département politique du Conseil du gouvernement milanais

26 août 1789

Déclaration des droits de l'homme & du citoyen

1794

Décès de Cesare Beccaria à Milan

22 février 1939

Décès d'Anatole Deibler, bourreau, à l'âge de 76 ans ; « cet homme avait fait tomber les têtes de 400 de ses semblables »
(R. Caillois, Instincts & Société, Paris, Gonthier, 1964)

Novembre 1972

Claude Buffet & Roger Bontems sont guillotinés dans la cour de la prison de la Santé

Juillet 1976

Exécution de Christian Ranucci

Juin 1977

Jérôme Carrein est guillotiné

Septembre 1977

Hamida Djandoubi est exécuté à la prison des Baumettes

1980

L'exécuteur en chef gagne 3 650,14 francs par mois, son adjoint de première classe 2 111,78

Mai 1981

François Mitterrand est élu président de la République

Juin 1981

La gauche obtient la majorité absolue à l'Assemblée nationale

Robert Badinter est nommé garde des Sceaux du deuxième cabinet Mauroy

18 & 30 septembre 1981

Députés & sénateurs votent la suppression de la peine de mort

 

Fiche technique

Nombre de signes

260 000

Folio

147 pages

Temps d'impression

30 minutes

Taille du fichier PDF

880 Ko

ISBN - Prix

2-84824-005-9
Gratuit


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